Népenthès… Un genre qui regroupe des plantes carnivores qui s’avèrent plus sophistiquées qu’on pouvait le penser… Il en existe une centaine d’espèces. La plupart poussent dans les forêts humides du sud-est asiatique, le plus souvent sur des sols pauvres ou sur les arbres (sans les parasiter). De fait, l’ajout de minuscules ou petits animaux à leur menu est un complément alimentaire bienvenu…
Pour progresser dans nos connaissances de ces plantes étonnantes, il a fallu aller les étudier sur place, dans les forêts de Bornéo (île partagée entre l’Indonésie, la Fédération de Malaisie et Brunei).
Les népenthès attirent (et consomment) essentiellement des insectes (et notamment des fourmis) mais aussi des araignées, des scorpions, des mille-pattes et, occasionnellement, un escargot, une grenouille voire un rat !
Les extrémités de leurs feuilles (très modifiées et variables selon les espèces), forment des « urnes » qui n’ont pas simplement un peu la forme d’un vase étroit permettant ainsi de conserver l’eau de pluie qui s’accumule au fond, constituant un piège pour qui tomberait dedans. On savait déjà que le fond du piège contient aussi un fluide qui permet de digérer les proies qui y tombent mais on a découvert que ce n’était pas l’unique stratagème déployé par les népenthès…
L’entrée du piège végétal (le bord de l’urne, le « bord du vase » en quelque sorte) attire les proies via la production de nectar et possède un rebord prononcé. On notera par ailleurs que l’urne est surmontée d’un opercule (une sorte de « couvercle soulevé » qui produit aussi du nectar sur le côté inférieur). L’intérieur du piège possède 3 zones. La zone supérieure, proche de l’entrée, est lisse et recouverte (mais pas chez toutes les espèces ni chez tous les individus de certaines espèces), recouverte, disions-nous, de cristaux de cire, empêchant la moindre prise aux proies qui tenteraient de s’agripper aux parois. En dessous se situe une zone intermédiaire, normale. Enfin, le fond du piège contient le fluide digestif, la plante produisant à ce niveau des enzymes qui aident à décomposer les corps des victimes. Des bactéries présentes dans le fluide participent à la décomposition.
Le fluide de l’espèce Nepenthes rafflesiana a des propriétés qui le rendent particulièrement efficace pour piéger puis retenir les proies qui tombent dedans. C’est d’ailleurs le fait que les petits animaux qui arrivent dans le fluide paniquent et se débattent qui signe leur arrêt de mort. Et plus ils se débattent plus le piège liquide se révèle efficace. En paniquant, l’animal piégé se retrouve vite enduit de cette substance qui, sous l’effet des mouvements rapides, se transforme en une sorte de « gelée élastique » qui va empêcher la proie de s’échapper… Même très dilué par la pluie, le fluide conserve ses propriétés. Ce fluide visco-élastique serait présent chez de nombreuses espèces de népenthès.
La sophistication des espèces de népenthès ne s’arrête pas là… On s’est aperçu qu’il y avait un autre piège au rôle sans doute fondamental. Ainsi, chez l’espèce Nepenthes bicalcarata, après une averse, le rebord de l’entrée est extrêmement glissant car uniformément mouillé. Autant les insectes peuvent progresser sur ce rebord quand il est sec, autant ils ne peuvent que tomber à l’intérieur du piège végétal quand il devient humide. La texture même de cette bordure fait que l’eau forme un film sur toute la surface. Le piège de l’aquaplaning est ainsi effectif et radical. Presque toutes les espèces de népenthès possèdent un tel rebord glissant quand il est humide.
Une étude sur le terrain concernant Nepenthes rafflesiana a montré que, indépendamment du fait qu’il avait plu ou pas, le rebord du piège végétal était humide du début de soirée au début de matinée. La cause est double : une plus forte humidité de l’air nocturne mais aussi une production plus importante de nectar en soirée, ce dernier absorbant l’humidité de l’air…
On peut penser que d’autres stratagèmes visant à retenir les proies, restent à découvrir chez les népenthès.
[D’après New Scientist, pp. 34-37, 4 juin 2008]